Le phénomène Amanda Gorman - Podcast

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« Elle est tout et son contraire : sérieuse et festive, étudiante et reine » résume Alice Kaplan dans la dernière livraison de la NRF.

Elle fait des rimes en cascade ; elle accorde ses mains à sa voix ; elle insiste sur des enjambements qui créent un effet de rap.

« Son poème, elle l’a écrit en amalgamant des bribes de messages, de tweets, d’informations qui se sont mis à circuler à toute vitesse pendant l’attaque du Capitole » ajoute Didier Jacob dans L’Obs.

« Le 6 janvier, j’ai écrit jusque très tard dans la nuit, et le même jour j’ai achevé le poème et je l’ai envoyé au comité d’organisation de la cérémonie d’investiture. » Amanda Gorman à propos de The Hill We Climb - La colline que nous gravissons.

Pour l’écrire, elle s’est aussi inspirée d’Abraham Lincoln ou Toni Morrison, de Maya Angelou, qui comme elle était montée à la tribune lors de l’investiture de Bill Clinton, avec On the Pulse of Morning - Sur l'impulsion du matin, ou encore d’Elizabeth Alexander qui l’avait fait pour Obama. Dans l’entretien très cadré accordé simultanément à cinq journaux européens, dont l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, le quotidien espagnol El País et L’Obs, elle dit sa dette à l’égard de la grande tradition poétique afro-américaine, souvent représentée par des femmes : avec Maya Angelou ou Elizabeth Alexander, Phillis Wheatley, Claudia Rankine... Une poésie de combat et d’émancipation.

« Je crois que si ma génération est plus courageuse, c’est parce que nous sommes juchés sur les épaules de géants. »

Amanda Gorman a également une autre actualité en Europe, celle qui concerne ses traductions. Au Pays-Bas, sa traductrice a jeté l’éponge suite à une cabale lancée contre elle au motif que Gorman devait être traduite par une représentante de la communauté afro-néerlandaise. En Espagne, l’écrivain catalan Victor Obiols, qui travaillait à la traduction, s’est vu remercier par son éditeur. En France, Fayard publie ces jours-ci La Colline que nous gravissons et autres poèmes dans la version d’une rappeuse et mannequin belgo-congolaise, Marie-Pierre Kakoma, alias Lous and the Yakuza. Pour Alain Mabanckou, Amanda Gorman « ne pouvait pas prendre parti et défendre les traducteurs blancs puisque par le biais de son agent elle avait suggéré aux éditeurs étrangers de lui proposer pour la traduction quelqu’un qui lui ressemble (femme, jeune, noire). C’est regrettable, mais c’est son choix et sa vision du combat qu’elle mène, nous devons respecter cela. »

Der Spiegel s’indigne, dans un article relayé par Courrier international, que la poétesse n’ait pas répondu à ses questions sur le sujet, dans le cadre très contraint de l’interview à distance accordée à la presse européenne. Et déplore la platitude de la traduction allemande parue fin mars. L’éditeur Hoffmann und Campe l’avait confiée à Uda Strätling – une traductrice blanche –, Hadija Haruna-Oelker – une journaliste noire – et Kübra Gümüşay – une auteure et activiste née dans une famille d’immigrés turcs. Uda Strätling est une traductrice réputée, elle a aussi traduit Claudia Rankine, dramaturge et poétesse afro-américaine, l’un des modèles d’Amanda Gorman. C’est elle qui a écrit le premier jet, les deux autres n’ayant pas l’expérience de la traduction. On peut se demander pourquoi avoir confié un texte aussi clair à trois traductrices à la fois. Le résultat des compromis semble avoir tiré le poème vers le bas...

Contre cette forme d’assignation identitaire, André Markowicz, traducteur notamment de Dostoïevski, rappelait dans Le Monde que la traduction est justement « et avant tout, partage et empathie, accueil de l’autre », et « reconnaissance ».

On écoute la voix puissamment cadencée d’Amanda Gorman au Capitole...

https://ww‌w.youtube.‌com/watch?‌v=LZ055ilIiN4

When day comes, we ask ourselves where can we find light in this never-ending shade? / The loss we carry, a sea we must wade. / We’ve braved the belly of the beast. / We’ve learned that quiet isn’t always peace, / and the norms and notions of what “just” is isn’t always justice.*

Par Jacques Munier

*Quand le jour arrive, nous nous demandons où trouver la lumière dans cette ombre sans fin ? / La peine que nous portons, une mer où nous devons patauger. / Nous avons bravé le ventre de la bête. / Nous avons appris que la tranquillité n’est pas toujours la paix, / et que les normes et notions de ce qui est juste ne sont pas toujours justice.

Traduction de Pascaline Jaquet

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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